300 personne se sont rassemblées hier devant le Tribunal de Gap pour soutenir les maraudeurs poursuivis et jugés pour "aide à l'entrée en France de personnes en situation irrégulière". Le procureur a requis 2 mois de prison avec sursis et 5 ans d’interdiction de séjour dans les Hautes-Alpes. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 27 mai.
Ce jour là nous serons devant la cour d’appel à Grenoble pour soutenir les “7 de Briançon”, solidaires condamnés à des peines de prison en 1ère instance à Gap en décembre 2018. Relaxe pour tous ! Abolition totale du délit de solidarité ! Respect des droits des personnes exilées ! Voici le discours prononcé par Benoit, bénévole chez Tous Migrants, à l'adresse du Procureur devant le Tribunal de Gap : MONSIEUR LE PROCUREUR... "100%. Il s'agit de la réponse d'un policier de la PAF de Montgenèvre à un parlementaire qui lui demandait quelle était la proportion d'éxilés qui parvenaient à rentrer en France. Ce même fonctionnaire avouait un instant plus tard avoir du mal à donner du sens à son travail ! Quelques jours après, ces affirmations étaient corroborés, par un autre policier. Nous n'avons aucun doute sur le fait que certains gendarmes ferment les yeux, position très courageuse mais inconfortable parce qu'elle pourrait facilement être interprétée comme une faiblesse morale, un acte de couardise ou de lâcheté par d'autres. Monsieur le Procureur, ne pensez vous pas qu'il serait judicieux d'accorder une attention particulière aux propos et agissements de ces policiers et gendarmes ? N'ont ils pas raison d'essayer de prendre un peu de recul sur leurs pratiques ainsi que sur le sens des ordres qui leurs sont donnés ? Comment policiers et gendarmes peuvent ils donner du sens au dispositif de surveillance coûteux et disproportionné mis en place à la frontière ? Leur hiérarchie et les autorités tentent de les enfermer dans l'idée qu'en la militarisant il sera possible d'y contrôler l'immigration. Pourtant ils constatent que 100 % des personnes éxilées qui tentent le passage finissent par y parvenir parce qu'elles sont déterminées à en finir avec la route, quelles que soient les circonstances. Jamais cette frontière n'a été autant surveillée : elle vient de se voir offrir les services d'un drone pour traquer ceux que le gouvernement désigne comme indésirables et ceux qui leurs viennent en aide. Pourtant plus de 400 personnes ont été accueillies au Refuge Solidaire de Briançon au mois de Mars ! Cela confirme les travaux de nombreux chercheurs qui montrent qu'aucune route migratoire n'a jamais réellement pu être fermée mais qu'il existe par contre une sorte de marché de la frontière à préserver parce que les contrôles alimentent un secteur en pleine croissance : celui de l'industrie de l'armement et de la surveillance. Comment les forces de l'ordre peuvent-elles donner du sens aux pratiques d'interpellations et de refoulement illégal des éxilés ? Parmi les compétences éxigées d'un candidat postulant à un concours dans la Police aux Frontières figure notamment un esprit d'analyse et d'observation développé ainsi qu'une bonne connaissance des réglements internationaux et des lois en vigueur à la frontière. Les policiers ne peuvent donc ignorer que les demandeurs d'asile ne peuvent en aucun cas être assimilés à des personnes en situation irrégulière, contrairement à ce que voudrait nous faire croire la propagande gouvernementale. Il ne leur aura pas échappé non plus qu'ils contribuent à causer des difficultés inutiles et à metttre en danger des éxilés, qui tôt ou tard finiront par accéder au territoire français . Des hommes, des femmes, des enfants, des personnes agées qui pourraient être leurs parents, contraints d'effectuer plusieurs tentatives, souvent toutes plus désespérées et risquées les unes que les autres pour échapper aux contrôles. Ces policiers s'interrogent parce qu'ils savent également qu'ils se mettent dans l'illégalité s'ils ne se tiennent pas à leurs obligations particulières de prudence et de sécurité et que leurs pratiques risquent de les exposer à des poursuites pour mise en danger de la vie d'autrui. Monsieur le Procureur, comment les gendarmes et policiers peuvent-ils donner un sens à cette mise en danger organisée des personnes, à cette politique qui organise le découragement, la souffrance soit disant au nom de la lutte contre le terrorisme. Comment peuvent ils croire qu'ils participent ainsi à cette lutte contre le terrorisme alors que la plupart des personnes qu'ils sont amenés à interroger, loin d'être des jihadistes en sont au contraire les premières victimes puisqu'ils fuient les talibans plus que jamais? (Et si par malheur une fois sur cent mille un malfaiteur se glissait parmi eux, une personne qui commetrait un jour un acte terroriste, qui pourrait penser que le seul fait de le renvoyer en Italie constituerait une façon efficace de lutter contre le terrorisme ?) Comment les policiers et gendarmes peuvent ils donner du sens à leur harcélement des maraudeurs, à ces interpellations incessantes, ces auditions multiples et garde à vue répétées alors que les maraudeurs et l'association Tous Migrants ont déjà été recompensés à trois reprises du Prix Méditerranée de la Paix, du Prix suisse des droits humains, du prix des Droits de l'Homme de la République Française ? Monsieur le Procureur, vous aviez déclaré vouloir une situation apaisée à la frontière. Vous aviez également dit que la plus grande humanité devait prévaloir à l'égard des personnes vulnérables ainsi qu'à l'égard du citoyen qui vient en aide sans aucune contrepartie à une personne en danger. Pourquoi n'avez vous pas saisi l'occasion de concrétiser cette déclaration en décidant de ne pas poursuivre Thibaud et Alex afin que vos mots ne soient à leur tour de belles paroles vidées de leur sens ? Il n'est pas encore trop tard Monsieur le Procureur. (Vous êtes bien placé pour savoir que tous les policiers et gendarmes ne respectent pas leurs obligations déontoliques, surtout lorsque le gouvernement utilise un double langage et ordonne lui même le refoulement des éxilés et le non respect des droits fondamentaux). Nous en appelons à votre esprit sportif et aux valeurs de respect de soi et d'altruisme, cette capacité à se soucier aussi des autres et à les respecter, sur lesquelles tout esprit sportif est sensé s'appuyer. Vous qui pratiquez la marche en montagne devez certainement avoir quelques notions de physiologie humaine et savoir de quoi il en retourne en matière d'exposition répétée au froid, à la désydratation, à l'effort, à la progression en terrain accidenté. Monsieur le Procureur, comment ne pas éprouver un fort sentiment d'empathie à l'égard de tous ces gens qui risquent leur vie pour venir vers nous, comment ne pas éprouver de considération à l 'égard de ceux qui leur viennent en aide et sans lesquels le col du Montgenèvre serait un tombeau à ciel ouvert ? Monsieur le Procureur, vous avez également déclaré entendre cultiver l'humilité. Ne trouvez vous pas qu'il y a là une belle logique ? Humble vient de humus, ce mélange qui donne au sol toute sa richesse et est garant de l'avenir. Ne trouvez vous pas que la similitude avec cette multitude de vies qui nous arrivent ici chaque jour et au secours desquelles volent toutes les nuits des maraudeurs et des soignants bénévoles de Médecins du Monde depuis 5 ans est troublante ? Comment concevoir, Monsieur le Procureur, que vous ayez quand même décidé de poursuivre, qui plus est sur des allégations une fois de plus mensongères ? Nos deux compagnons maraudeurs ne sont allés chercher personne sur leur dos en Italie mais ils ont portés assistance à une famille qui se trouvait sur le territoire français. Les maraudeurs sont formés à une connaissance fine du terrain et de la position géographique de la frontière à la différence de beaucoup de policiers et gendarmes venus ponctuellement en renfort qui n'en ont qu'une idée approximative. Ne croyez vous pas que vous avez évalué la situation de manière un peu trop hâtive, au risque de fabriquer de toute pièce des coupables et des innocents ? Est ce pour une question d'avancement, dans l'espoir de pouvoir briguer un jour un tribunal plus prestigieux ? Si tel est le cas, n'êtes vous pas d'accord que l'on est beaucoup plus avancé lorsque l'on est capable d'ériger la fidélité à ses propres convictions et sentiments en un principe moral qui l'emporte sur le devoir d'éxécuter des ordres ? Mr le Procureur, Mme la Présidente et Mesdames les juges de ce tribunal, quel regard portez vous sur la crise sanitaire actuelle ? Ne pensez vous pas qu'elle nous enseigne la nécessité de prendre soin, d'être attentif à la vie qui vient, si l'on ne veut pas courrir le risque de créer là encore une situation de crise explosive ? Dans ce contexte, décider de poursuivre nos deux compagnons maraudeurs, alors qu'ils étaient en train de porter assistance à une famille en difficulté, pose un grave problème au regard des principes mêmes de notre République et semble irresponsable. Nos deux compagnons maraudeurs, comme tous les autres maraudeurs et soignants bénévoles, sont l'incarnation d'une citoyenneté active, d'une éthique de la vie nourrie par la conscience que quiconque est dans la détresse doit être secouru. Une éthique qui explique que jaillisse du plus profond de leur être l' engagement altruiste qui est le leur, comme une obligation à laquelle ils ne peuvent se soustraire. Franchement, ne pensez vous pas qu'il y a là de quoi les féliciter ? Ne croyez vous pas que cette citoyenneté qui vise à exprimer l'opinion que la vie vaut plus que les profits et à lutter pour que cette opinion devienne réalité, nous sauvera peut être des catastrophes écologiques, économiques, sanitaires et sociales vers lesquelles nous courrons ? Mr le Procureur, Mme la Présidente, Mesdames les juges, mesdames, messieurs les fonctionnaires de Police affectés même temporairement au contrôle de cette frontière, pour en finir avec la situation intenable à laquelle sont confrontés chaque jour les maraudeurs, les soignants bénévoles et les éxilés à la frontière, nous vous demandons de vous interroger sur le sens de votre action et sur celui des ordres qui vous sont donné . Nous encourageons toutes celles et ceux qui cherchent éventuellement à sortir du piège qui les conduit à agir en désaccord avec eux- même à le faire vraiment. Nous en appellons à votre bon sens pour que nos deux compagnons maraudeurs ne soient pas condamnés aujourd'hui... La solidarité n'est pas un délit et ne saurait être sanctionnée. Benoit, pour TOUS MIGRANTS..." Voici quelques articles à consulter en réaction au procès : www.mediapart.fr/journal/france/230421/gap-deux-mois-de-prison-avec-sursis-requis-contre-des-maraudeurs?page_article=1 www.lacimade.org/proces-gap-300-personnes-pour-soutenir-les-maraudeurs/?fbclid=IwAR2UcfUp78ni-M7pIE-twxXrPNhDisZkqEmXxAtn21DDDNnSUSZmIxdnxH8 alpternatives.org/2021/04/23/proces-maraudeurs-deux-hommes-des-flics-et-un-proc/?fbclid=IwAR2ouYyF0d0AV7c_d4AK7hbMpsaNQro3RolFHeMRygNM30g6MSexrUp9Wc4 Les commentaires sont fermés.
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