© Baptiste Soubra
Bienvenue sur la page des actualités locales de février 2024. Au sommaire :
1) Semaine de mobilisation pour la Commémor'action des mort·e·s des frontières
2) Loi "Darmanin" : Quelles conséquences peut-on anticiper ?
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1) Semaine de mobilisation pour la Commémor'action des mort·e·s des frontières
2) Loi "Darmanin" : Quelles conséquences peut-on anticiper ?
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1) Semaine de mobilisation pour la Commémor'action des mort·e·s des frontières
Du 3 au 11 février 2024, une semaine de mobilisation a été organisée à Briançon, afin de répondre à l’appel transnational de la Commémor-action lancé par des familles de personnes disparues (à lire en cliquant ici). Dans ce cadre, 55 rassemblements ont eu lieu dans 17 pays, au sud et au nord de la Méditerranée afin de rendre hommage aux victimes des frontières et de se mobiliser contre les politiques qui en sont responsables. Ces mobilisations ont aussi pour objectif de relayer les revendications des familles : la liberté de mouvement pour toutes et pour tous et l’exigence de vérité, de réparation et de justice.
Notre territoire n’est pas exempt de ces tragédies : 10 personnes sont décédées et - au moins - deux ont été portées disparues à la frontière franco-italienne haute (dans le Briançonnais, le Val de Suse et à Modane) depuis 2018. Depuis lors, chaque année, associations, collectifs et solidaires répondent à l'appel. |
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La semaine a en réalité débuté le 31 janvier, le jour où nous avons décidé de montrer publiquement les affiches d’une campagne de sensibilisation qui a été refusée dans les rues de Briançon que nous avions prévu de dévoiler pendant cette semaine de mobilisation.
Proposée conjointement par cinq associations (Médecins du Monde, Tous Migrants, Refuges Solidaires, le Secours Catholique, la Cimade), elle souligne à travers 5 visuels l'absurdité et la dangerosité des politiques de non-accueil mises en place par les autorités à la frontière franco-italienne et définit “l’accueil inconditionnel” comme seule politique à même de régler de manière durable la crise humanitaire, sociale et éthique qui traverse notre société et notre territoire. Des propos jugés "trop politiques" par la régie publicitaire gérant les panneaux d'affichage à Briançon qui l'a finalement refusée, sans fournir aucune justification juridiquement argumentée. Conçue avec l'aide d'un avocat, cette campagne ne fait pourtant état que de faits et ne diffuse aucun propos diffamatoire. |
Après avoir brandi ces panneaux à l’entrée haute de la vieille ville de Briançon, nous les avons exposé devant le marché et sommes allés à la rencontre des passants pour les informer de cette campagne et de la mobilisation à venir.
© Tous Migrants
A partir du 3 février, de nombreux événements publics ont eu lieu :
La thématique était celle des politiques d’accueil. Une question ouverte que nous avons explorée en suivant le parcours des personnes exilées sur le territoire français, du passage de la frontière à l’installation en passant par la santé et l’hébergement. En suivant ce parcours nous avons pu faire état de toutes les frontières que les politiques de non-accueil érigent, de toutes les barrières que ces personnes ont à franchir pour vivre.
Pour chacun des thèmes abordés, le constat est le même : les autorités publiques manquent à leurs devoirs, ne respectent ni le droit, ni les personnes et l’accueil pèse uniquement sur des habitant·e·s et des associations qui font ce qu’elles et ils peuvent pour accueillir dignement. Alors qu’ils et elles ont été invité·e·s, les élu·e·s locaux de la majorité Briançonnaise ne se sont pas présenté·e·s, ne facilitant pas le débat contradictoire recherché.
Le soir du débat public, Médecins du Monde a présenté un nouvel outil de sensibilisation, réalisé en partenariat avec Tous Migrants : "Santé et frontière(s), stigmates d'une traversée sur les corps" (frontière franco-italienne, novembre 2022 - novembre 2023). Cette plaquette est riche de nombreux témoignages de personnes exilées passées par Briançon. Elle sera disponible très prochainement sur notre site.
- 03/02 : Débat public, « Quelle politique d’accueil dans la Briançonnais » au cinéma Cosmo à Briançon
La thématique était celle des politiques d’accueil. Une question ouverte que nous avons explorée en suivant le parcours des personnes exilées sur le territoire français, du passage de la frontière à l’installation en passant par la santé et l’hébergement. En suivant ce parcours nous avons pu faire état de toutes les frontières que les politiques de non-accueil érigent, de toutes les barrières que ces personnes ont à franchir pour vivre.
Pour chacun des thèmes abordés, le constat est le même : les autorités publiques manquent à leurs devoirs, ne respectent ni le droit, ni les personnes et l’accueil pèse uniquement sur des habitant·e·s et des associations qui font ce qu’elles et ils peuvent pour accueillir dignement. Alors qu’ils et elles ont été invité·e·s, les élu·e·s locaux de la majorité Briançonnaise ne se sont pas présenté·e·s, ne facilitant pas le débat contradictoire recherché.
Le soir du débat public, Médecins du Monde a présenté un nouvel outil de sensibilisation, réalisé en partenariat avec Tous Migrants : "Santé et frontière(s), stigmates d'une traversée sur les corps" (frontière franco-italienne, novembre 2022 - novembre 2023). Cette plaquette est riche de nombreux témoignages de personnes exilées passées par Briançon. Elle sera disponible très prochainement sur notre site.
Pour celles et ceux qui n’ont pas pu rentrer dans la salle ce samedi 3, nous tenons une nouvelle fois à nous en excuser et vous proposons un compte rendu des échanges :
- 05/02 : Présentation de l’Atlas de Migreurop et du projet de CartoMobile par Morgane Dujmovic à la librairie de la Gargouille à Briançon
Morgane Dujmovic, membre du conseil de Migreurop (réseau euro-africain d’associations, de chercheur·euse·s et de militant·e·s qui documente, décrypte et dénonce les conséquences des politiques migratoires sur les conditions de vie et le respect des droits des personnes en migration) et chercheuse s’étant déjà rendu plusieurs fois à la frontière franco-italienne a présenté l’Atlas de Migreurop, merveilleux outil de décryptage, qui permet de déconstruire, prendre du recul et mieux comprendre les politiques migratoires et leurs conséquences. Ce numéro de l’atlas est consacré à la notion de liberté de circulation, dont il propose un traitement original. Morgane Dujmovic a notamment présenté la planche « Les délinquants solidaires – La solidarité en actes aux frontières », qui traite spécifiquement de la situation dans le Briançonnais et dont elle a co-signé la carte.
Les échanges se sont poursuivis sur un autre projet auquel elle prend part : la CartoMobile, qui permet à des personnes concernées de rendre compte de leur expérience à travers des cartes sensibles. Après avoir échangé, nous avons circulé dans la librairie pour observer les cartes sensibles faites l’année dernière au refuge solidaire de Briançon.
- 06/02 : installation d'un mémorial des mort·e·s des frontières près du pont d'Asfled à Briançon
Le matin du jour de la commémor’action, des solidaires de Briançon ont érigé, aux portes de la ville un monument en hommage aux mort·es des frontières a l’occasion de la journée de mobilisation transnationale. Merci à elleux pour ce magnifique symbole ! Ce monument est un mémorial pour ne pas oublier les noms des 10 personnes en situation d’exil qui ont perdu la vie entre Oulx, Briançon et Modane et des 2 autres portées disparues.
Prenant la forme d’un cairn, objet communément érigé pour guider les personnes en montagne, et entouré de plaques avec le nom des personnes décédées, ce monument est dédié aux victimes, à leur familles, mais aussi à toutes les autres, blessées ou traumatisées par leur parcours d’exil. Il est situé près du pont d’Asfeld à Briançon, lieu hautement symbolique puisqu'une personne exilée, Mahadi, y a perdu la vie le 29 octobre dernier.
Nous vous invitons vivement à vous y rendre pour y déposer des fleurs pour en faire un lieu de vie, de mémoire et de lien entre les vivants et celles et ceux qui nous ont quittés. Nous souhaitons que ce mémorial puisse rester le plus longtemps possible et c’est grâce à votre soutien que cela est possible !
© Tous Migrants
Vous pouvez aussi consulter la tribune de soutien à cette initiative qui a récolté les signatures de plus d’une centaine de personnalités et parlementaires :
Merci à vous ! Mardi soir, nous étions plus de 200 personnes à nous réunir rue Centrale à Briançon pour rendre hommage aux victimes des frontières. Le rassemblement a symboliquement eu lieu sur les bords de la Durance, rivière dans laquelle a été retrouvé le corps de la première victime de la frontière le 7 mai 2018 et celui de la dernière, le 29 octobre 2023. Les personnes réunies ont pu écouter des témoignages de proches de victimes et de personnes exilées recueillis au refuge de Briançon. Ces paroles, trop rarement partagées, font état de l'absurdité et la dangerosité de la militarisation de la frontière de Montgenèvre et de la violence des politiques d’exclusion menées par les pouvoirs publics envers les personnes exilées. |
© Baptiste Soubra et Estelle Doehr
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Les prises de paroles ont été pré-enregistrées, afin de limiter les conséquences pour ces personnes encore en situation administrative précaire. Une forme d'exclusion de la vie politique que nous dénonçons.
Accompagné de banderoles lumineuses “leurs vies, notre lumière” (slogan choisi par des familles à l'initiative de la commémor’action), le cortège s’est ensuite spontanément dirigé en musique vers le mémorial des mort·e·s des frontières, érigé le matin même à proximité du pont d’Asfeld. Des personnes exilées et solidaires y ont pu prendre la parole.
Accompagné de banderoles lumineuses “leurs vies, notre lumière” (slogan choisi par des familles à l'initiative de la commémor’action), le cortège s’est ensuite spontanément dirigé en musique vers le mémorial des mort·e·s des frontières, érigé le matin même à proximité du pont d’Asfeld. Des personnes exilées et solidaires y ont pu prendre la parole.
- 09/02 : Ciné rencontre au cinéma Cosmo à Briançon
Projection en présence de l’acteur principal du film « L’Abbé Pierre, Une vie de combats » et de l’association Refuges Solidaires. De riches échanges après la séance ont permis de remettre en perspective la profonde crise de l’accueil que nous traversons, 70 ans après l'appel de l'Abbé Pierre de l'hiver 1954.
Une belle manière aussi célébrer la récente intégration de Refuges Solidaire au réseau Emmaüs en tant que membre en probation. La moitié des recettes de la soirée a été reversé à Refuges Solidaires.
Après une pièce de théâtre « Aux frontières de l’absurde », nous avons eu le plaisir d’écouter le groupe ZigBang dans une ambiance conviviale et festive. Une partie des recettes de la soirée ont été reversés à des associations œuvrant pour l’accueil des personnes exilées dans le Briançonnais. |
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- 10/02 : Atelier d’écriture et échanges à la Passa à Vallouise
- Conclusions de cette semaine
Du 3 au 11 février, la mobilisation citoyenne autour de la commémoration des mort·es des frontières a eu un succès sans précédent. D’une même voix, toutes les associations et tous les collectifs de la solidarité briançonnaise se sont mobilisés pour honorer les victimes des frontière et leurs familles, dire leur détermination à lutter contre ces politiques meurtrières et pour que le Briançonnais reste un territoire d’accueil digne et inconditionnel des personnes exilées.
En opposition à cet élan de solidarité, nous déplorons l’absence notoire des pouvoirs publics. Elle a particulièrement été remarquée lors du débat public, alors que nous avions officiellement invité tou·te·s les élu·e·s locaux à venir échanger de manière constructive et respectueuse. Nous regrettons également les rares interventions médiatiques : aucun soutien n’a été formulé à la suite de la mise en place du mémorial si ce n’est une invective aux graffitis apparus dans le Briançonnais qui “salissent les rues”. Une nouvelle tentative de discréditer certains modes d’action et de détourner l’attention du message politique qu’ils portent : le non accueil tue, la frontière tue. Face aux responsables politiques qui tentent d’opposer le travail des associations et celui de collectifs informels, nous affichons une nouvelle fois notre unité et notre alignement autour d’objectifs communs.
Le 7 février, le lendemain du rassemblement d’hommage, le conseil municipal de Briançon a affirmé sa volonté “d'acquérir un véhicule 4x4 qui sera mis à disposition à titre gracieux à la Police aux Frontières de Montgenèvre” et a décidé de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour l'acquérir. Quand nous le sollicitons ou l’interpellons, le Maire de Briançon n’a pourtant cesse de nous rappeler que la question migratoire et celle de l’hébergement d’urgence relèvent uniquement de la compétence de l’État. Cette décision prouve que la militarisation de la frontière est le résultat de choix politiques, tout comme l'est l’accueil digne des personnes exilées. Inlassablement, les autorités continuent d’augmenter les dispositifs humains et matériels aux frontières et d’invisibiliser les mises en danger de leur militarisation et c’est la société civile qui met en lumière les conséquences de ces dernières.
Notre mobilisation continue, pour un accueil digne des personnes exilées, mais également pour que les personnes du Briançonnais et ailleurs soient informées de la situation et nous rejoignent pour participer à ce combat. “Nous ne pouvons rester neutres dans un train en marche” disait Howard Zinn. Pour prendre ce train ensemble, rejoignez-nous le samedi 16 mars 2024 à Montgenèvre pour la Grande Maraude Solidaire : “Désarmons les politiques aux frontières, résistons à bras ouverts !”
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2) Loi "Darmanin" : Quelles conséquences peut-on anticiper ?
La loi sur l’asile et l’immigration votée le 19 décembre et retoquée partiellement par le Conseil constitutionnel le 25 janvier, reste l’une des plus répressives depuis 1945. Malgré la censure partielle par le Conseil constitutionnel, la loi immigration « détricote » le droit d’asile de manière significative. Un sujet beaucoup moins abordé que le droit des étrangers, mais tout aussi important. En voici quelques conséquences :
- Accélérer le traitement des demandes : les demandes d’asiles seront désormais traitées dans un délai toujours plus court, au risque est d’épuiser encore plus les agents publics et de rendre des décisions mal fondées.
- Territorialisation et « éclatement » de l’asile en France : Cette mesure portera gravement atteinte à l’indépendance de l’Ofpra (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) en raison de la proximité immédiate de ces pôles avec les services préfectoraux.
- Généralisation du juge unique : La généralisation du juge unique mettrait fin aux discussions nourries, constructives et fructueuses lors de l’audience et du délibéré, gage d’une justice équitable et de qualité. Le recours massif au juge unique nuirait grandement à la qualité des décisions rendues par le juge de l’asile dans un contentieux.
- Un volet intégration trop faible : seules les personnes ayant le plus de chances d’obtenir une protection auront désormais la possibilité de travailler à l’issue du dépôt de leur demande d’asile.
- Restrictions d’accès aux conditions matérielles d’accueil : On va aller vers davantage de précarisation. Le risque est que plus de personnes se retrouvent « à la rue » durant leur procédure. Une personne quittant son hébergement pour des raisons qui lui appartiennent verra sa procédure d’asile close.
- OQTF (Obligation de quitter le territoire français) systématique pour les déboutés de l’asile : énormément de personnes vont se retrouver avec une OQTF et ne pourront pas, ensuite, tenter de régulariser leur situation autrement.
- Placement en rétention de potentiels demandeurs d’asile Cela devrait concerner les personnes qui feront une demande d’asile auprès d’une autre autorité, en dehors des guichets en préfecture. Leurs demandes d’asile seront donc traitées directement depuis le centre de rétention, en l’espace de quelques jours, dans des conditions particulièrement dégradées.