© Julien Benard / Hans Lucas
Contexte géographique
Le Grand Briançonnais, qui couvre le nord du département des Hautes-Alpes dans le nord de la région Provence Alpes Côte d'Azur, est le territoire de haute-montagne le plus peuplé d’Europe. Il compte environ 34 000 habitants permanents, dont 12 600 à Briançon.
La ville est située à une dizaine de kilomètres de la frontière franco-italienne qui est franchie quotidiennement par des exilés. Le Val du Suse et le briançonnais ont longtemps été réunis par la langue, les échanges et les règles de vie. Aujourd'hui encore, les échanges multiples perdurent dans tous les domaines de l’activité socio-économique. |
Les passages entre la France et l’Italie s’effectuent principalement par deux cols routiers :
- Le col du Montgenèvre, situé à 1 850 m d’altitude, franchi par une route nationale ouverte toute l’année au trafic routier international sur l’axe Marseille – Turin.
- Le col de l’Échelle, situé à 1 746 m d’altitude, franchi par une petite route de montagne non déneigée et donc fermée à la circulation en hiver. Elle relie la Vallée de la Clarée, depuis le village de Névache, et la Vallée Étroite, puis débouche en Italie à Bardonecchia, dans le Haut Val de Suse
La préfecture de Gap se situe à 85 km au sud de Briançon (1h20 de trajet). La ville de Marseille, où se situe la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA) et le guichet unique (GUDA) les plus proches, est distante de 280 km par la route (environ 4h de trajet). Il faut au minimum 2 heures par voie routière pour gagner Grenoble et 3 heures pour Lyon en franchissant le col du Lautaret. Une liaison quotidienne par train de nuit relie Briançon et Paris, du moins quand le train n’est pas annulé pour des raisons diverses, ce qui est très fréquent.
Retour chronologique sur l'arrivée des exilés dans le briançonnais depuis 2015
2015
A la demande de l’État et comme bien d’autres territoires, le Briançonnais s’est engagé volontairement à accueillir des exilés. En novembre 2015, à la suite du démantèlement des campements de Calais, 21 personnes ont été accueillies dans le cadre du dispositif des Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO). La gestion du CAO a été confiée à la MAPEmonde (Mission d’accueil des personnes étrangères, un service de la MJC-centre social du Briançonnais). Ces personnes ont fait l’objet d'un accompagnement individuel en fonction de leur situation administrative, bénéficié d'un suivi social et médical et participé à diverses activités en lien avec les initiatives locales. Les demandeurs d'asile sont restés six mois environ et la plupart ont ensuite été orientés en Centre d'Accueil de Demandeurs d’Asile (CADA). Ils ont finalement tous obtenu l’asile ou, à défaut, la protection subsidiaire.
2016
De même, en novembre 2016, 24 autres personnes ont été accueillies, cette fois-ci suite au démantèlement d’un campement dans les rues de Paris. Contrairement à ce qui s’était passé pour les personnes en provenance de Calais, le préfet leur a refusé de déposer leur demande d’asile en France, puis notifié leur transfert en Italie, au prétexte du Règlement de Dublin. Selon ce règlement, les demandeurs d’asile peuvent être renvoyés vers le pays d’entrée dans l’Union Européenne, alors qu’il s’agit de pays déjà fragilisés par l’arrivée de nombreux migrants. Avec les responsables de la MJC, les élus locaux et le député de la circonscription, nous avons publiquement dénoncé cette inégalité de traitement au regard de l’article 6 de la constitution : « la loi doit être la même pour tous ». Pourtant, la Constitution et l’article 17 du règlement dit « Dublin III » autorisent le préfet à accepter de recevoir toute demande d’asile .
Hiver 2016/2017
Dès l’hiver 2016 - 2017, nous assistons à une augmentation croissante des passages de la montagne frontalière par des personnes exilées qui tentent de parvenir en France en échappant aux contrôles de police. Après le col de l’Échelle jusqu’à fin 2017, les passages s’effectuent principalement par le col du Montgenèvre. La plupart des exilés sont interceptés dans la montagne par la police, souvent aux moyens de traques et de chasses à l’homme, et renvoyés une à plusieurs fois en Italie, avant de parvenir à passer . Cette politique dangereuse s’effectue dans le déni des droits des personnes étrangères comme nous le dénonçons sans cesse depuis lors. Elle n’a malheureusement pas cessé comme le montrent les « résultats » exhibés par la préfecture avec plus de 7000 refoulements effectués entre le 1er janvier 2016 et le 30 septembre 2019. Seul infléchissement constaté depuis l’automne 2018 : les personnes se déclarant mineures ne sont plus systématiquement renvoyées en Italie mais plus souvent confiées au Département.
Du côté de la solidarité, des données précises sont recueillies depuis juillet 2017 par l’association Refuges Solidaires qui assure l’accueil d’urgence à Briançon. Sur la période de juillet à décembre 2017, plus de 2 200 personnes exilées ont été accueillies pour au moins une nuit. Ces personnes étaient principalement originaires des pays de l’Afrique subsaharienne francophone (Guinée Conakry, Côte d'Ivoire, Mali, Sénégal, Cameroun). La moitié de ces exilés se déclaraient mineurs et la plupart des adultes avaient moins de 30 ans.
Du côté de la solidarité, des données précises sont recueillies depuis juillet 2017 par l’association Refuges Solidaires qui assure l’accueil d’urgence à Briançon. Sur la période de juillet à décembre 2017, plus de 2 200 personnes exilées ont été accueillies pour au moins une nuit. Ces personnes étaient principalement originaires des pays de l’Afrique subsaharienne francophone (Guinée Conakry, Côte d'Ivoire, Mali, Sénégal, Cameroun). La moitié de ces exilés se déclaraient mineurs et la plupart des adultes avaient moins de 30 ans.
2018
En 2018, plus de 5 200 personnes ont été accueillies à Briançon, dont 37% de mineurs. La population concernée est devenue plus diversifiée quant aux pays d’origine, avec une part plus significative des pays d’Afrique anglophone, d’Europe de l’est et d’Asie. La population est surtout devenue plus vulnérable en raison de la part plus importante de femmes, de très jeunes enfants, et de personnes atteintes de blessures, de maladies et même de handicaps, quel que soit le pays d’origine. La plupart des mineurs se sont vu contester leur minorité par le Conseil Départemental (CD) qui les remettra alors à la rue. Le sort des jeunes reconnus mineurs n’est guère plus enviable puisqu’ils attendent de longs mois, dans des conditions précaires, avant d’être pris en charge et d’intégrer une formation. Du fait de cette attente, la plupart auront perdu une année de scolarité.
2019
En 2019, on observe une baisse importante des arrivées à Briançon, avec 2000 personnes accueillies. Dans le même temps, on constate que la population est plus âgée et qu’elle résidait depuis plus longtemps en Italie. Beaucoup indiquent fuir l’Italie du fait qu’ils se sentent désormais indésirables, et/ou suite au refus de renouvellement de leur titre de séjour, en conséquence de la politique du gouvernement Salvini. Ne sachant pas où aller, la plupart reste plus longtemps qu’auparavant au Refuge comme l’atteste le nombre de repas servis, presque aussi important que l’année précédente. On ne sait pas dans quelle mesure cette diminution du nombre d’arrivées à Briançon au cours de l’année 2019 résulte d’une activité policière accrue en France et peut-être aussi en Italie, ou d’une baisse effective des tentatives de passage. Cependant, nul doute que la fermeture des ports italiens jusqu’à la chute du gouvernement Salvini, et plus largement la politique conduite par l’Europe en Méditerranée et au-delà, ont forcément eu un impact. Le changement de la population accueillie au Refuge l’illustre également.
2020
En 2020, la hausse des arrivées observée en début d’année est stoppée par le confinement très strict imposé en Italie début mars. Mais pendant l’été l’augmentation est importante, avec souvent entre une dizaine et une trentaine de personnes au cours de la même journée. Ce rythme d’arrivées s'est poursuivit toute l'année. Au total, 2248 personnes ont été accueillies en 2020. La population est en grande partie renouvelée. Il s’agit principalement de personnes seules et de familles originaires d’Afghanistan et du Kurdistan iranien, ayant fui leur pays depuis plusieurs années pour la plupart, et parvenues en Italie puis en France par la « route des Balkans ». Cela après beaucoup de souffrances, en particulier à la frontière entre la Bosnie et la Croatie où beaucoup de personnes sont battues, torturées et dépouillées de leurs maigres biens par la police.
2021
Depuis le début de l’année 2021, la situation est devenue plus en plus insoutenable au Refuge, complètement surchargé, avec un rythme d’arrivée supérieure à celui de l’année 2018, jusqu’à 300 personnes par semaine. Des personnes doivent dormir à l’extérieur, tous les espaces intérieurs étant occupés. La population originaire d’Afghanistan et d’Iran est toujours majoritaire mais celle issue du Maghreb, principalement du Maroc, augmente sensiblement.
Les tentatives de main mise sur le lieu par des trafiquants se sont développées, favorisant les situations de violence. Les conditions de sécurité des personnes exilées et bénévoles sont devenues de plus en plus précaires. L’ouverture dans l’urgence d’un nouveau lieu associatif le 25 août aux « Terrasses Solidaires » n’a pas changé fondamentalement la donne du point de vue de la sécurité des personnes, la population accueillie représentant le triple de sa capacité. Les alertes aux autorités restant sans réponse depuis des mois, les associations coresponsables des Terrasses Solidaires ont décidé le 24 octobre de suspendre l’accueil d’urgence et de mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités.
Cet historique est extrait de notre document de référence "L'accueil et la défense des droits des personnes exilées dans le briançonnais et dans les Hautes-Alpes" que nous remettons régulièrement à jour. Vous pouvez le consulter dans son intégralité en cliquant sur ce bouton :
Les tentatives de main mise sur le lieu par des trafiquants se sont développées, favorisant les situations de violence. Les conditions de sécurité des personnes exilées et bénévoles sont devenues de plus en plus précaires. L’ouverture dans l’urgence d’un nouveau lieu associatif le 25 août aux « Terrasses Solidaires » n’a pas changé fondamentalement la donne du point de vue de la sécurité des personnes, la population accueillie représentant le triple de sa capacité. Les alertes aux autorités restant sans réponse depuis des mois, les associations coresponsables des Terrasses Solidaires ont décidé le 24 octobre de suspendre l’accueil d’urgence et de mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités.
Cet historique est extrait de notre document de référence "L'accueil et la défense des droits des personnes exilées dans le briançonnais et dans les Hautes-Alpes" que nous remettons régulièrement à jour. Vous pouvez le consulter dans son intégralité en cliquant sur ce bouton :