Samedi 6 mars, sur l'appel du collectif italien Un ponte di Cordi et rejoint par Tous Migrants, près de 400 personnes se sont rassemblées devant les locaux de la police aux frontières à Montgenèvre pour former un pont d'humanité. Ci-dessous, vous trouverez le discours résumant les demandes et les revendications et prononcé lors de cette initiative symbolique :
1/ Le 5 mars 2016, il y a 5 ans jour pour jour, deux jeunes exilés étaient retrouvés presque morts d'épuisement au col de l'échelle, par hasard, par une skieuse. Quelques jours plus tard, l'un d'eux était amputé des deux pieds. Nous sommes alors plusieurs à nous être promis que plus jamais la vie d'un être humain ne serait abandonnée à la rudesse de nos montagnes. Nous serions là, inconditionnellement, sentinelles de vies en danger. Nous avons tenu promesse malgré les obstacles rencontrés : intimidations par les forces de l'ordre, criminalisation de nos actes par la justice, durcissement des politiques migratoires européennes. D'une poignée de maraudeurs alors, nous sommes à ce jour plus de 300 maraudeurs à arpenter jour et nuit la montagne. Et ce chiffre ne cesse de s'accroître. Venus d'ici, venus d'autres villes, mais aussi de Hollande, d'Espagne, de Grande-Bretagne, tous ensemble. Médecins du monde maraude désormais à nos cotés, ainsi que des parlementaires chaque week-end depuis cet hiver. Nous nous relayons et ce relais ne tarit pas et ne tarira pas. Pourquoi ? parce qu'il se nourrit de l'indignation causée par cette militarisation assassine et par le piétinement des droits fondamentaux. La présence et l'agissement des forces de l'ordre obligent les exilés à prendre de plus en plus de risques, à recommencer leur tentative de traversée encore et encore jusqu'à épuisement, et à se retrouver en grand danger. Car danger il y a. Des familles arrivent désormais avec des enfants en bas âge, des nourrissons, des personnes âgées parfois de plus de 75 ans et sont systématiquement reconduits en Italie. Cet hiver plusieurs jeunes hommes ont été admis aux urgences avec de graves gelures et l'un d'eux a dû être transféré en caisson à Grenoble, ils avaient tous tenter de passer plusieurs fois. Une femme enceinte de 8 mois a été reconduite en Italie après son interpellation par la PAF de Montgenèvre alors qu'elle allait accoucher et que l'hôpital de Briançon n'était qu'à quelques minutes. Son accouchement a eu lieu 12 heures après, à Suze. Un hélicoptère des secours en montagne a secouru un couple avec un enfant de 14 mois et un bébé de quelques jours et les a déposé à la PAF sans vérification de leur état de santé par un médecin. Des enfants de moins de 6 ans, après avoir marché des heures dans la neige, le froid sont interceptés, maintenus debout dans le froid, conduits et gardés des heures dans les locaux de la PAF sans soin, ni prise en compte de leur vulnérabilité. Tandis que des parlementaires ont visité les locaux de la PAF, des agents de police ont refoulés discrètement des demandeurs d'asile qui avaient été interceptés peu de temps avant. L'accès à la PAF et au local de privation de liberté attenant est systématiquement refusé à l'Anafé et à MDM alors que le tribunal administratif de Marseille a condamné ce refus. Les opérations sentinelles sont venus renforcer la PAF, armées, elles patrouilllent en montagne et ont pour consigne de ramener les exilés à la PAF. Notre présence a évité de nombreuses fois le pire mais nous n'oublierons jamais que cela n'a pas été suffisant pour empêcher certaines amputations et handicaps, ni pour sauver Alpha, Tamimou et Blessing et d'autres morts restés inconnus. Alors, tant que la vie des personnes exilées sera menacée, que leurs droits fondamentaux ne seront pas respectés, les solidaires européens seront à leur côté et construiront en réponse des ponts d'humanité. 2/ parlementaires, italiens, autres interventions 3/ Nous demandons la démilitarisation de la frontière franco-italienne, que cessent les traques et les refoulements illégaux qui mettent en danger les exilés. Nous appelons les forces de l'ordre à faire preuve de discernement et à porter assistance aux personnes en danger, comme le stipulent les articles R 434-10 et R 434 - 19 et le code de déontologie de la police et de la gendarmerie, et ce inconditionnellement et sans discrimination. Nous demandons que les solidaires ne soient plus entravés dans la mise à l'abri des personnes, qu'ils ne soient ni intimidés ni sanctionnés par les forces de l'ordre et la justice car ces empêchements mettent en danger la vie des exilés. Nous demandons la mise en place d'un corridor humanitaire permettant de protéger toute personne qui souhaite demander l'asile en France ou ailleurs en Europe afin que nul ne risque sa vie en montagne. 4/ La migration n’est pas une crise, elle n’est pas un phénomène anormal ou exceptionnel. La migration est l’histoire du peuplement de l’humanité. De tout temps, partout, toujours, l’homme s’est déplacé et rien ni personne n'a pu stoppé ce mouvement. Vous obéissez aujourd’hui à une politique européenne dénuée de sens. On vous demande de fermer une frontière qui ne pourra jamais être fermée. Car aucune frontière n’est infranchissable. Vous le savez, les hommes, les femmes et les enfants que vous arrêtez aujourd’hui reviendront demain, et si vous les arrêtez encore, ils reviendront encore, jusqu’à traverser cette frontière. Parce qu’ils ont quitté leur pays par obligation et non par choix, parce qu’ils ont enduré déjà bien des épreuves. Qu’il ne leur reste souvent rien à perdre et que tous leurs espoirs sont devant eux. Vous ne pourrez jamais fermer cette frontière. Mais, vous pouvez respecter et faire respecter les droits fondamentaux et éviter de mettre indignement des vies en danger. 5/ Que dira-t-on aux générations futures lorsqu'elles nous demanderont pourquoi : - nous avons laissé des êtres humains mourir en mer et être traqués en montagne ? - nous avons abandonné des réfugiés à la misère et à la violence des forces de l'ordre dans les rues de nos villes ? - nous avons délaissé des enfants sans les mettre à l'abri ni les éduquer ? - nous avons choisi la honte au lieu d'accueillir dignement des êtres humains ? - nous avons accepté que les droits fondamentaux soient piétinés par l’État ? Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Les commentaires sont fermés.
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