Le 13 février, 18 organisations humanitaires ont adressé une lettre à la Préfète des Hautes-Alpes pour lui demander de lever les entraves administratives à l'embauche de jeunes migrants présents légalement sur le territoire, alors même que des employeurs locaux cherchent à les recruter.
__________________________________ Madame la Préfète des Hautes-Alpes, Depuis plusieurs mois, vous recevez les demandes de titres de séjour d'exilés présents légalement sur le territoire depuis déjà trois ou quatre ans. Pendant ces 3 ou 4 années, ces exilés qui ont parfois quitté depuis l'adolescence leur pays, ont subi l'inactivité forcée et l'attente, véritables tortures psychologiques, qui, sans le soutien moral des bénévoles, auraient pu les faire sombrer dans la dépression ou autres maladies. Trois ou quatre ans, c'est très long surtout lorsqu'on n’a aucune prise sur sa vie et qu'on n’a que 20 ans. En trois ou quatre ans, on se construit une vie. Ils ont été logés chez l’habitant, ils ont aidé les familles hébergeantes dans leur vie quotidienne, ils ont passé Noël avec eux ; ils se sont fait des amis, constitué un réseau ; ils ont fait du bénévolat pour participer à la vie de la communauté, dans les secteurs social, environnemental, sportif et culturel ; ils ont suivi une formation ou fait des stages quand c’était possible. En trois ou quatre ans, pas un seul heurt, pas un seul souci, pas un seul pas de travers n'a été rapporté. Mais, depuis plusieurs mois voire années, ils souhaitent travailler car l'attente et la dépendance leur sont invivables. Pour eux, c'est une question de santé mentale voire physique, et de dignité. En trois ou quatre ans, ils ont toujours gardé leur motivation, ils ont cherché et trouvé des employeurs. Les employeurs savent que ces jeunes sont compétents et sérieux. Alors ils font l'effort, malgré la lourdeur du dossier, d'adresser des demandes d'autorisation de travail, des promesses d’embauche à la DIRECCTE. Face à des réponses presque systématiquement négatives et longues à venir, les employeurs se découragent et ne comprennent pas. Demander à un employeur d'attendre 2 mois pour avoir un employé est inadapté à la viabilité d'une structure. Se voir refuser une autorisation de travail, alors qu'un employeur a accepté d'attendre le délai requis, c'est mettre une structure en difficulté. Et pourtant, ils ne trouvent pas à recruter sur le marché du travail. Les associations d'aide aux migrants du territoire ne comprennent pas non plus, vu les besoins du marché du travail local et des décisions avancées par le Comité interministériel sur l’immigration et l’intégration du 6 novembre 2019. Notamment, la 8ème décision pose le diagnostic suivant « Répondre aux besoins de main d’oeuvre des entreprises suppose également de poser la question de l’immigration professionnelle. En 2019, une entreprise sur deux indique qu’elle a des difficultés de recrutement. Dans certains bassins d’emploi, ces besoins sont tels que des entreprises renoncent à des marchés, faute de trouver des candidats correspondant aux postes vacants (…). Les procédures en la matière méritent d’être refondues et modernisées, car elles sont critiquées pour leur manque d’efficacité économique et leur complexité. En 2017, l’OCDE a ainsi jugé, dans une étude complète sur le sujet, que de nombreux obstacles administratifs subsistent. Les critères administratifs sont périmés : par exemple, l’appréciation, avant de délivrer une autorisation de travail, de la situation locale de l’emploi, repose sur une “liste des métiers en tension” pour laquelle l’OCDE estime que 15 % seulement des métiers inscrits sur la liste sont encore véritablement en tension (...). Cette liste repose sur une nomenclature difficilement compatible avec les évolutions actuelles des métiers. » N’y a-t-il pas alors un grand paradoxe à ne pas autoriser ces jeunes à travailler, maintenant qu'ils sont formés, parfaitement intégrés, qu'ils maîtrisent bien notre langue et notre culture, qu'ils ont fait leurs preuves dans les entreprises où ils ont fait des stages, des entreprises qui les connaissent et veulent les embaucher ? Ces jeunes exilés connaissent les exigences du milieu professionnel français et souhaitent travailler là où souvent les employeurs de notre territoire désespèrent de trouver des candidats. Si les employeurs les demandent, faut-il les condamner à rester inactifs et dépendants d'une allocation ou de la charité ? Faut-il les condamner à travailler illégalement ? Puis à vivre sans papiers ou à les renvoyer dans un pays d'origine alors qu’il faut inévitablement recruter pour faire vivre le tourisme, le bâtiment, la restauration et bien d’autres professions dans les Hautes Alpes ? Madame la Préfète, nous vous demandons instamment de permettre à ces jeunes de participer pleinement à la vie économique de notre territoire dans les secteurs où les entreprises les sollicitent et de leur assurer ainsi la vie digne à laquelle ils ont droit. À Briançon, Embrun, Gap, le 13 février 2020 Les organisations signataires Chemins Pluriels, Comité Gapençais du Mouvement de la Paix, Collectif Icare, Diocèse de Gap (+ Embrun), JRS Welcome Hautes-Alpes, La Cimade 05, MJC-Centre social du Briançonnais, Marcel sans Frontières, Midi Chaud, Paroisse de Briançon, Pastorale des Migrants - Diocèse de Gap, Refuges Solidaires, Réseau Hospitalité Hautes-Alpes, Secours Catholique, Secours Populaire, Mouvement citoyen Tous Migrants, Union Syndicale Solidaires 05, Unjourlapaix, Les commentaires sont fermés.
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