Article du Dauphiné Libéré sur l'audience au tribunal de Gap :
Combien de temps ? C’était la clef d’un face-à-face d’avocats, mardi 3 novembre, autour de l’occupation du squat “Chez Roger”. Celui des propriétaires a plaidé pour une expulsion sans délai. La défense a argué de l’absence d’urgence d’une telle opération. Par Guillaume FAURE - 06:05 - Temps de lecture : 3 min Tandis qu’au dehors, l’heure est à la solidarité avec une collecte de denrées alimentaires, mardi 3 novembre, la bataille se jouée sur le terrain de la procédure, dans le tribunal de Gap. L’enjeu de ce référé ? Ouvrir ou non la voie à une expulsion sans délai du site “Chez Roger”, squatté depuis août 2020 et qui doit son nom au maire de Gap Roger Didier, dont la famille est propriétaire des lieux. Y a-t-il une “voie de fait” ? La “voie de fait”, c’est l’existence d’un élément ou d’un comportement qui porte atteinte à des droits. Quand ils se sont installés cours du Vieux-Moulin, les squatteurs en ont-ils commis une, portant atteinte au droit de propriété ? Pour Me Jean-Pierre Aoudiani, l’avocat des propriétaires, l’entrée sur le site s’est faite « en connaissance de cause », sans autorisation. Les occupants « n’ont été ni induits en erreur, ni abusés », plaide-t-il, rappelant le choix de surnommer le lieu “Chez Roger”. « C’est revendiqué de façon claire. » L’avocat de la famille fait le tour des mesures de sécurité. Une facture d’artisan, de novembre 2019, les détaille : grilles en fer cadenassées ici, là des barres métalliques qui ne peuvent être retirées que de l’intérieur, deux cadenas sur le portail d’entrée. Me Aoudiani cite un témoin de l’arrivée de deux personnes le 28 août : « Une première a escaladé le portail principal, une seconde a fait passer une boîte à outils, le premier a fait sauter les chaînes », lit l’avocat. Cadenas plombé, constats d’huissier : pour lui, c’est clair, « si tout est ouvert, ça ne peut pas être autrement que par voie de fait et effraction, vu la sécurisation générale mise en place ». L’avocat demande la suppression des délais, en vue d’une expulsion. Droit de propriété contre droit au logement De l’autre côté de la barre, Me Agnès Vibert-Guigue représente les quelque dix squatteurs assignés (ils sont plusieurs dizaines à vivre “Chez Roger”). Entrer dans un lieu, même sans droit ni titre de propriété, n’est pas une voie de fait, plaide l’avocate. Elle évoque le parcours des mineurs du squat, « trimballés » de lieu en lieu. « Comment diable pourrait-on considérer qu’après leur parcours chaotique, ils ont conscience que là où ils vivent, ils n’ont pas le droit ? ». Les majeurs, eux, trouvent cours du Vieux-Moulin un lieu « déjà accessible et d’ores et déjà occupé », poursuit l’avocate, témoignages de bénévoles à l’appui. Elle affirme : « Ceux qui sont assignés ne sont pas ceux qui ont ouvert les lieux. » Y a-t-il «urgence à expulser des gens dans ce contexte sanitaire »? Bien sûr que non, raisonne Me Vibert-Guigue. Qui demande au tribunal de mettre en balance «un droit de propriété sur une maison inoccupée depuis des années, et le droit au logement de 50 personnes». « Il n’y a aucun projet a priori, ni de vente ni de location. » Me Yassine Djermoune poursuit : si la propriété est garantie par la Constitution, le droit au logement a, lui, une « valeur constitutionnelle ». Il évoque les difficultés des personnes hébergées “Chez Roger”, suivies par des associations, et le « dispositif d’hébergement d’urgence saturé » à Gap. Pour lui, «l’utilité publique» du squat est démontrée, «en dehors de la question de savoir si l’occupation est illégale ou non ». De quoi demander le « délai le plus large possible ». Décision le 5 janvier. Les commentaires sont fermés.
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Juin 2021
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