Vendredi 18 décembre, Journée nationale des migrants, quelque 300 personnes ont célébré avec émotion l'événement "Faites de la fraternité" organisé par le mouvement citoyen Tous Migrants à Briançon. Une belle manifestation, inédite et festive, disséminée aux quatre coins de la ville, jalonnée d'animations (théâtre, danse, chants, jeux, musiques, expo lectures...), pour faire un pied de nez au climat glacial ambiant de peur et de repli. Et pour fêter la fraternité comme un acte de résistance chaleureux ! _______________ ALBUM PHOTO signé Julien Benard Découvrez ci-dessous le discours prononcé sur lors du rassemblement final sur la place de l'Europe, point d'orgue de l'événement : "Aujourd'hui, nous sommes réunis car le 18 décembre est la journée internationale des migrants. Ces migrants qui sont maltraités physiquement et psychologiquement presque partout sur les routes de l'exil. Ces migrants qui sont criminalisés, ces migrants dont les droits sont bafoués. Ces migrants qui n'étaient que des images télévisées et qui se sont rapprochés de nous. Dans nos montagnes, ils sont des silhouettes qui sortent de la pénombre, qui s'écroulent dans la neige, des files poursuivies et arrêtées par la police. Ils sont des mains que nous serrons, des sourires que nous échangeons et des regards désespérés, inquiets que nous avons du mal à soutenir. Ils sont des personnes, ils sont des prénoms, des vies. Ils sont bien réels. Tous Migrants s'est crée suite à l'indignation suscitée par la mort du petit Aylan sur une plage lointaine. Aujourd'hui, cinq ans après, chaque matin, nous craignons de découvrir des petits 'Aylan' morts gelés, ici à nos portes. Ce soir même, des enfants sont en train de marcher dans la neige, d'affronter le froid, de se cacher des forces de l'ordre qui déploient des moyens démesurés, de risquer leurs vies, parce qu'ils fuient la guerre, la pauvreté, la torture. La politique migratoire qu'a choisi l'Europe est une politique mortifère, qui brise des vies, qui met en danger de mort des milliers d'exilés. Elle est un choix, délibéré, résultant de décisions prises en commun par nos gouvernements. Elle fait le choix de criminaliser les exilés, de les pourchasser, de les harceler, de rendre leur parcours impossible. Comme l'écrit le philosophe Dénètem Touam Bona "En privant les personnes exilées d'hébergement ou de nourriture, l'Etat ne tue pas lui-même, il délègue aux éléments de la nature le travail de la mort". Nous pourrions rajouter : " En traquant sans relâche les personnes exilées dans nos montagnes, l'Etat ne tue pas lui-même, il délègue au froid et à la neige le travail de la mort." Nous rejetons cette politique. Nos montagnes ne deviendront pas un cimetière, ni un lieu de souffrance. Nous y veillons. Et nous exigeons de notre Etat qu'il protège ces vies, non pas les frontières. Aujourd'hui, nous sommes réunis aussi pour soutenir l'acte 4 de la marche nationale des sans-papiers ; La situation des sans-papiers est la continuité du déni des droits aux frontières. Jusque dans nos villes, nos entreprises, l'Etat organise une fabrique à clandestins, les rendant corvéables à merci et générant une rentabilité inacceptable et indigne. Dans plus de 60 villes en France, des collectifs de sans-papiers et les associations, dont les Etats Generaux des Migrations, qui les soutiennent sont rassemblés comme nous et envoient aujourd'hui simultanément une lettre de contestation à Emmanuel Macron et à la presse. L'acte 3 a rassemblé 60000 manifestants à Paris fin octobre sans violence, ni heurts ni casseurs. Pourtant le gouvernement tout comme les médias ont largement ignoré cette manifestation. Nous rappelons haut et fort au respect des valeurs démocratiques de notre pays : Liberté, Egalité et exigeons des papiers pour tous. Aujourd'hui, enfin, nous sommes réunis pour fêter la Fraternité. Cette fraternité qui bat désormais son plein sur notre territoire. Des centaines de personnes la vivent au quotidien. Cette fraternité embellit notre territoire, notre vivre-ensemble et construit la paix sociale. Cette fraternité est inébranlable, elle est en nous, elle est le socle des montagnards de souche et de cœur, elle est notre dignité, notre honneur. Nous l'affirmons donc Briançon est et sera une ville refuge mais ne deviendra pas un campement de réfugiés car nous y faisons et y ferons de l'accueil digne et inconditionnel. Aucun résultat électoral, aucune intimidation, aucune répression ne peuvent ébranler notre fraternité car elle est un devoir et une volonté citoyenne. Aucun mur, aucun barbelé ne peuvent l'entraver car LA fraternité n'a pas de frontière, ni de couleur, ni de religion, ni de statut. Derrière moi, ce carrefour de l'Europe, une Europe que nous voulions fraternelle, solidaire et qui vient de déclamer un Pacte Asile et Immigration, indigne et honteux, nous allons symboliquement ce soir le renommer Rond Point de la Fraternité en signe de bienvenue pour tous les exilés, en honneur de tous ceux qui font vivre la fraternité. Pour ne jamais oublier qui nous sommes et ce que nous voulons que notre territoire soit." Les commentaires sont fermés.
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