Ce jeudi 30 juillet, la justice a condamné à des peines de prison avec sursis de 18 mois et 2 ans deux agents de la Police aux Frontières pour des faits de violences, usage de faux et détournement de fonds à l'encontre d'un jeune mineur exilé...
Un procès rare Jeudi 2 juillet 2020, deux agents de la Police aux frontières comparaissaient devant le tribunal de Gap, l’un pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique sur une personne mineure » exilée, l’autre pour « usage de faux en écriture » et « détournement de fonds publics ». La tenue de ce procès avait été rendue possible grâce à un enregistrement audio accablant… et aux signalements d'atteintes aux droits à la frontière que Tous Migrants et d'autres associations adressent sans relâche à la justice. « C’est un procès rare pour des pratiques dont on sait qu’elles sont régulières », avait déclaré Me Brengarth, avocat de la victime et de Tous Migrants, partie civile au procès. « Le dossier révèle qu’il ne s’agit pas de faits isolés. Il est indispensable que la justice puisse rétablir le droit de ceux que nous devons protéger.» Le 2 juillet, après 5 heures d’audience, le procureur avait requis deux ans de prison avec sursis contre le premier prévenu et 18 mois avec sursis contre le second. La décision rendue ce 30 juillet a suivi la réquisition du procureur > en reconnaissant l’officier de police judiciaire Maison coupable de violence volontaire n’ayant pas entraîné d’ITT et en le condamnant à 2 ans de prison avec sursis, 1000 € d’amende et 5 ans d’interdiction d’exercer toute fonction publique > en reconnaissant l’agent Caron coupable d’usage de faux en écriture publique et détournement de fonds public et en le condamnant à 18 mois de prison avec sursis, 1000 € d’amende, 5 ans d’interdiction d’exercer toute fonction publique et non dispense d’inscription au B2. Avancées Ce qui est important dans ce procès, c’est la démonstration que : - des délits graves sont commis par des membres des forces de l’ordre à la frontière ; - que la parole des exilées et les signalements de Tous Migrants devaient être pris en compte. C’est la première fois que ces faits (violences verbales et physiques, insultes à caractère raciste, vols, dénis de droits...) que nous dénonçons depuis des années sont évoqués devant ce tribunal. Ce procès traduit donc une avancée importante qui est aussi le fruit du travail de longue haleine que nous réalisons. C’est aussi le début de la levée de l’omerta qui couvrait ces pratiques puisque le procès nous apprend que la hiérarchie avait été alertée en interne de ces délits graves. L’enquête de l’IGPN a permis de montrer l’ampleur du phénomène en identifiant un faisceau d’indices concernant la récurrence des plaintes des exilés. Les limites de ce procès Cependant l’enquête n’a été suffisamment approfondie au point d’établir avec précision les preuves des vols et des autres pratiques délictuelles récurrentes évoquées mis en évidence lors de l’audience. La récurrence de ces pratiques délictuelles montre que la hiérarchie ne pouvait pas être dans l’ignorance de ces agissements. Plus largement, Tous Migrants regrette que cette enquête n’ait pas pris en compte les facteurs institutionnels et le contexte de violence d’Etat à l’égard des personnes exilées dans lesquels s’inscrivent ces graves infractions, alors que nous le dénonçons depuis plusieurs années. En particulier, il reste du chemin à parcourir pour sortir du déni par les autorités : - des violations des droits des personnes exilées et des mineurs isolés, - des procédures illégales de refus d’entrée, - et des pratiques barbares et dangereuses de guet-apens et de traque dans la montagne. Cependant, dans le contexte de pressions qu’on peut supposer, la justice envoie un message clair par cette décision aux forces de l’ordre pour le respect des droits et de la dignité des personnes exilées à la frontière. Des raisons d'espérer ? Cette décision intervient dans un contexte de dévoilement de violences systémiques, notamment à caractère raciste, parmi les forces de l’ordre. Dans le même temps, le 8 juillet 2020, le conseil d’Etat a confirmé ce que Amnesty International France, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, Secours Catholique - Caritas France, Anafé et Tous Migrants dénoncent depuis de nombreuses années : le ministère de l’Intérieur bafoue le droit d’asile à la frontière avec l’Italie (1). C’est pourquoi, aux côtés des associations nationales, nous demandons au ministre de l’Intérieur que des instructions claires soient transmises aux services de la police aux frontières pour que les personnes qui souhaitent solliciter une protection internationale en France puissent le faire, y compris à la frontière franco-italienne. Nous demandons également que ces instructions soient rendues publiques. Nous demandons enfin une rencontre avec la préfecture pour que les droits des personnes exilées à la frontière soient respectés et qu’un accueil digne leur soit accordé. Dans l’immédiat, nous espérons que cette décision du conseil d’Etat et celle du tribunal de Gap feront réfléchir les représentants de l’autorité publique sur certaines politiques et pratiques illégales, illégitimes et barbares, et nous continuons à les encourager à désobéir tant que les ordres reçus ne respecteront pas les droits fondamentaux des personnes exilées. Nous les encourageons également à se procurer le livret Au nom de la loi que nous avons réalisé à leur attention pour les aider à respecter et à faire respecter ces droits. (1) Voir le communiqué inter-associatif du 09/07/20 : https://www.amnesty.fr/presse/droit-dasile--frontiere-franco-italienne.-la-france La presse en parle Les commentaires sont fermés.
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